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Certaines maquettes sont qualifiées de "short-run". Qu'est ce que çà signifie et quelle est la différence avec les kits habituels en plastique?

 

1- D'un point de vue technique:                                                                                                 

Il n'y a en fait aucune différence au niveau du matériau utilisé. Les maquettes dites "short-run" sont fabriquées avec la même technique que les maquettes "classiques", à savoir du polystyrène haute densité injecté sous pression dans des moules. C'est donc aussi du "plastique injecté", contrairement aux maquettes en résine ou thermoformées qui sont fabriquées avec des procédés et des matériaux différents. Certaines maquettes "short-run" contiennent des verrières thermoformées, plus fines mais qui demandent une technique d'utilisation particulière (voir article).

  

Alors, où est la différence? elle se situe d'abord en terme de quantité produite (short-run signifie "tirage limité"), mais se traduit de moins en moins dans l'apparence des grappes et dans l'assemblage des pièces.

 

2- Du point de vue industriel:                                                                                                   

Au fil des décennies, la qualité des maquettes en plastique a fait un bond considérable. L'utilisation de la CAO (conception assistée par ordinateur) dans la création de certains masters (voir article sur la création de moules), la qualité sans cesse grandissante des moulages, ont fait exploser le prix de revient d'une maquette "industrielle" à grand tirage. Les grands fabricants doivent donc rentabiliser ces coûts en produisant des modèles à grande diffusion. Du coup, certains sujets (des appareils peu connus, des prototypes, des avions de petits pays) ne sont pas "rentables" car la clientèle potentielle est insuffisante pour rentabiliser l'investissement initial de la conception de la maquette.

 

Une autre différence notable se situe dans la durée de vie des moules. Un moule en acier d'un fabricant "industriel" peut durer une dizaine d'années  (ou même plus si on se réfère à la durée de production de certains kits Airfix, Heller ou Revell, qui a dépassé 30 ans), mais les moules en époxy des maquettes short-run n'ont qu'une espérance de vie d'environ 3 ans (source: MPM). Du coup, il faut se procurer les kits short-run assez rapidement après leur sortie, sous peine de "louper le coche" et devoir attendre quelquefois plus de 10 ans qu'un fabricant recrée un moule et mette en vente des tirages. Certaines maquettes ont toutefois une durée de commercialisation plus longue (certains kits short-run sont produits depuis plus de 10 ans), mais il est hélas difficile de savoir lesquels disparaîtront rapidement des catalogues...ou pas.

 

 3- Une "niche" commerciale pour les petits fabricants                                                              

Par conséquent, certains modèles (par exemple: le Rogozarski IK3 yougoslave, le Yak2/4 soviétique, le Breda Ba88 italien,  l'Arsenal VG33 français, pour n'en citer que quelques-uns...) ont longtemps été des "parents pauvres" de la maquette plastique. Certains artisans ont créé des maquettes thermoformées ou en résine de ces avions, en général chères, difficiles à monter et souvent introuvables.

 

C'est dans cette niche que ce sont engouffrés les fabricants d'Europe de l'Est depuis maintenant une vingtaine d'années, en proposant des modèles "semi-artisanaux" en plastique injecté, des avions délaissés par les grandes marques. MPM en République Tchèque, fut une marque pionnière dans ce domaine. Depuis, de nombreuses autres marques dites "short-run" sont apparues (AZ Models, AML, Azur, Pavla, Special Hobby, etc).

 

Les difficultés inhérentes au moulage des petites pièces et parties transparentes en injecté "artisanal", et la production locale de kits de superdétaillage en métal photodécoupé et en résine (Eduard, Aires, etc), ont poussé ces marques à remplacer ces pièces par de la photodécoupe et des verrières thermoformées, lançant ainsi la mode du kit "multimédia" que les grands fabricants ont aussi fini par suivre en ajoutant des pièces en résine ou en métal photodécoupé dans leurs kits.


Les kits "short-run" d'il y a une vingtaine d'années (ou plus) étaient présentés de manière plutôt "spartiates" à la façon de certains kits artisanaux en résine ou thermoformés. Ci-dessous, des kits Aviation-USK, Ventura, et du tout début de la marque Huma-Modell:

short-run_old_box0

Les premiers modèles ICM étaient aussi distribués sous une simple pochette transparente avec une feuille cartonnée. Par contre, la qualité du moulage attirait déjà l'attention...:

short-run_old_box1

  

 4- Et pour le maquettiste?                                                                                                       

Au départ, les maquettes "short-run" (par exemple Aviation-USK, Ventura, Tasman, Pegasus, Mach 2, les premiers modèles AML ou MPM...) se distinguaient par de belles surfaces (et une fine gravure en creux entre autres), mais des points de coulée épais, l'absence de picots de centrage, et des surfaces d'assemblage approximatives qui nécessitaient du ponçage avant un assemblage correct.

On voit sur les photos ci-dessous que l'épaisseur, et la position pas toujours très judicieuse des points de coulée (entourés en rouge) risquait d'endommager les pièces lors du dégrappage et nécessitait un travail de "rattrapage" ensuite. De plus, les petites pièces (entourées en jaune) étaient souvent assez grossières ou "noyées" dans le plastique et devaient être améliorées, ou carrément refaites, ou remplacées par des sets de détaillage ou des pièces provenant d'autres kits "cannibalisés" (ou des copies tirées à partir d'empreintes de ces petites pièces):

Heinkel He46 de chez AML au 1/72:

short-run_old_AML

Spitfire MkIX, kit Ventura:

short-run_old_Ventura

Myrsky II au 1/72, Aviation-Usk

short-run_old_USK

 

Aujourd'hui, le moulage et l'aspect des pièces des maquettes "short-run" (AZ-Models, Azur, ICM, Special Hobby, MPM, RS-Models, Valom...) est maintenant d'une qualité égale aux grandes marques. La majorité n'utilise toujours pas de tenons et de picots de centrage mais la qualité des moulages et la précision des ajustements (ICM, Eduard, notamment) les rendent inutiles. Noter toutefois que les dernières productions de chez Eduard et Azur en comportent maintenant, ce qui rend l'assemblage à blanc de ces kits aussi aisé que celui des plus grandes marques japonaises qui sont la référence dans ce domaine.

Au niveau de la facilité du montage, la limite est donc maintenant de moins en moins nette entre "injecté industriel" et "short-run". Eduard,  ICM ou Roden sortent du lot et leurs moulages n'ont rien à envier à la qualité de ceux en provenance du Japon, devenus la référence depuis leur arrivée progressive en Europe dans les années 70.

Exemples de grappes de modèles récents des marques Eduard et ICM: points de coulée fins et placés de façon à ne pas endommager (ou au minimum) les surfaces des pièces, petites pièces d'aussi bonne qualité que sur les kits des grandes marques:

Messerschmitt Bf108B, Eduard 1/48:

short-run_new_Eduard

Spitfire MkVIII, ICM 1/48:

short-run_new_ICM

L'usage des verrières thermoformées chez certaines marques (AML, certains kits AZ-Models, Azur, Classic Airframes, MPM, certains kits Special Hobby...), est un gage de finesse mais requiert un peu d'expérience et de technique. De plus en plus de kits "short-run" sortent avec des parties transparentes en injecté de très bonne qualité (ci-dessous kit MPM, Breda Ba88 au 1/72:)

short-run_new_MPM

Pour ma part, je suis plutôt partisan des verrières thermoformées qui restent plus fines, plus conformes à l'échelle (surtout au 1/72) et moins déformantes que les verrières en plastique "crystal". Mais il est vrai que la plus grande facilité d'utilisation des verrières en injecté aide à la diffusion des kits short-run vers un plus large public.

 

5 - Conclusion                                                                                                                         

En général, les sujets traités par les marques "short-run" intéressent justement plutôt les maquettistes qui ont déjà monté les "classiques" les plus connus et veulent ajouter à leur collection des modèles plus originaux ou moins connus. Il est préférable d'avoir déjà monté quelques kits de grandes marques avant de passer aux kits short-run ou multimédias. Pourtant, pour des raisons liées à la production en grande série, de déclinaison des moules, ou de tirages de versions et boitages divers des modèles, les maquettes de grandes marques ne sont pas exemptes d'erreurs et nécessitent parfois du travail de correction, qui peut être plus difficile (refaire la gravure, modifier des pièces) que l'ajustage des pièces d'un kit short-run ou de verrières thermoformées.


Par ailleurs, un argument en faveur des marques "short-run" est que, du fait de la faible durée de vie de leurs moules, ceux-ci sont toujours récents (quelques années au plus) et donc aux derniers standards en terme de moulage, de panneaux de structure (en creux), de niveau de détail (souvent des pièces en résine et métal photodécoupé). A l'inverse, les gammes des grandes marques anciennes sont nettement plus hétéroclites, et certaines, comme Airfix, Revell, Italeri, Zvezda, voient cohabiter des moules récents de très bonne qualité et d'autres très anciens et plus du tout au standard actuel, vieux de plusieurs décennies. Monter un kit de cet âge exigera bien plus de travail qu'un kit short-run (élimination des rivets, regravure, élimination des axes de parties mobiles chères à Revell ou Airfix à cette époque, affinage des pièces, absence totale de détails intérieurs...), et surtout, il est difficile d'acheter un kit de ces marques "les yeux fermés" tant la qualité peut varier d'un modèle à l'autre...